17

Nom Anor quitta la Place du Temple d’humeur pensive. Le prêtre chargé de l’autel venait de lui délivrer le message que le Grand Prêtre Jakan avait rédigé au sujet de l’hérésie. C’était un message que les prêtres se devaient de communiquer à tous les Yuuzhan Vong au cours des journées à venir. On y condamnait explicitement toute action de vénération des Jedi.

La Congrégation avait été fort attentive. Bien plus attentive qu’elle ne l’avait été quelques jours plus tôt, avant que les laborantins ne soient en mesure de produire le baume fongicide destiné à soulager les démangeaisons.

Nom Anor, ne souffrant plus du redoutable eczéma, avait écouté et approuvé le message, au moins jusqu’à ce que la foule d’auditeurs commence à se disperser. C’est alors qu’il avait deviné que le texte était peut-être un peu trop détaillé. Ce que Jakan avait fait, comprit l’Exécuteur, c’était expliquer exactement aux hérétiques potentiels comment se comporter. La petite troupe que Nom Anor avait réussi à infiltrer ne disposait que d’une doctrine très confuse, peu cohérente, dont les éléments n’étaient guère faciles à comprendre. Mais, désormais, tout devenait clair. On venait d’expliquer aux hérétiques que les jumeaux Solo étaient des émanations des dieux, que le pouvoir des Jedi était une menace pour les dieux. Jakan venait donc de définir les grandes lignes de la doctrine hérétique pour les hérétiques eux-mêmes ! Si Nom Anor envisageait de participer à une nouvelle réunion de sa congrégation d’hérétiques, il disposait d’une bien meilleure connaissance de leur mode de pensée et de fonctionnement.

L’Exécuteur sortit de sa méditation et découvrit qu’il avait quitté le temple en compagnie d’un jeune laborantin. A en juger par la fraîcheur de ses cicatrices, il venait tout juste de se faire greffer la main spéciale allouée exclusivement aux membres de sa caste. Nom Anor se rappela alors la damutek farouchement gardée qu’on avait édifiée à quelque distance de la cité, celle où il avait aperçu Onimi. Il se tourna vers le jeune laborantin.

— Veuillez m’excuser, ami laborantin, dit Nom Anor. Je me demandais si vous pourriez m’accorder quelques instants de votre temps précieux.

— Fertainement, monfieur, dit le laborantin, visiblement surpris.

Il s’était arraché quelques dents et les avait remplacées par des implants coralliens, de ceux qu’il devait certainement utiliser lors de ses expériences en laboratoire. Nom Anor ne souhaitait guère connaître le type de procédure qui exigeait la modification des dents et il fut vite irrité par le défaut de prononciation du jeune laborantin.

— Je m’appelle Hooley Krekk, de la damutek des intendants, dit l’Exécuteur. Nous dépendons du Département des Ressources d’Urgence et nous avons reçu dernièrement un ordre de réquisition émanant de… Heu… Je ne devrais pas vous dire de nom mais je peux vous affirmer qu’il s’agit d’un des maîtres laborantins. Malheureusement, cet ordre de réquisition est rédigé dans un langage très technique, et ni moi ni mes supérieurs ne parvenons à comprendre la teneur de cet ordre. On prétend qu’il a un rapport essentiel avec la guerre mais nous ne discernons pas les intentions du seigneur laborantin. Mes supérieurs ne souhaitent pas allouer les ressources tant qu’ils ne sauront pas exactement de quoi il retourne.

Nom Anor comprit qu’il avait réussi à capter l’attention du jeune Yuuzhan Vong. Oui mon gars, se dit-il, voilà effectivement un moyen d’enrichir encore plus ta caste.

— Comment puis-ve vous affifter, monfieur ? demanda le laborantin.

— La réquisition concerne du matériel supposé correspondre, je cite : « à l’accomplissement des directives de… » (Il feignit l’hésitation.)… de quelque chose appelé « cortex », si je m’en souviens bien.

— Un cortekf est un enfemble de connaiffanfes propres aux laborantins, chuinta le très aidant jeune Yuuzhan Vong. Chaque cortekf fut livré jadif par les dieux eux-mêmes au Feigneur Fuprême ou bien au Maître Laborantin.

— Je vois, dit l’intendant. Et combien existe-t-il de cortex ?

— Huit.

— Ah ! Et le huitième doit certainement être le plus important, non ?

— Fertainement, Feigneur Intendant. Le Huitième Cortekf est la connaiffanfe fuprême de l’art de la métamorphove des laborantins. L’effenfiel a été communiqué par les dieux eux-mêmes au grand Fhmirra en perfonne. Felui-fi n’a pas encore vuvé bon de communiquer fe favoir, même à nos maîtres laborantins.

Nom Anor sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine. Nous sommes perdus, se dit-il. Qui aurait pu prédire que l’extinction de la race Yuuzhan Vong lui serait annoncée par une voix aussi ridicule ?

Nom Anor balbutia un remerciement avec grande difficulté et détala à grands pas pour pouvoir réfléchir en privé à ce qu’il venait d’apprendre. Il connaissait parfaitement le fonctionnement des gouvernements. Sinon, il ne serait jamais parvenu à les corrompre. Et cette aptitude lui permettait de tirer rapidement des conclusions à partir d’un ensemble de données théoriques.

Le Huitième Cortex, savoir suprême connu uniquement de Shimrra et des dieux, n’existait pas ! Le projet cortex, basé à quelques encablures de la cité et gardé par un détachement de vaillants guerriers, était en fait destiné à créer ce savoir pour que Shimrra puisse ensuite en faire part à son peuple.

Les Yuuzhan Vong étaient en guerre pour une période indéterminée. Ils étaient à présent à court de procédures leur permettant de gagner. Si la Nouvelle République continuait ainsi d’apprendre et d’innover, alors que le Huitième Cortex demeurait désespérément vide, alors les Yuuzhan Vong étaient perdus. Leur trace serait à jamais effacée des livres d’histoire.

Son esprit se mit à tourbillonner. Nom Anor s’appuya d’une main contre un mur afin de ne pas perdre l’équilibre. Et si les dieux, songea-t-il en proie à la terreur, n’ont pas encore livré cette connaissance à Shimrra, alors Shimrra est un usurpateur. Et les dieux ne sont qu’illusion…

Nom Anor voulut éclater de rire, crier et gémir en même temps. Les puissantes colonnes de la connaissance, de la foi, de l’obéissance et de la hiérarchie, ces colonnes qui soutenaient tout l’édifice Yuuzhan Vong n’étaient que des fétus de paille. Nom Anor s’en était toujours douté mais il ne s’était jamais attendu à ce qu’on le lui prouve !

Il remarqua alors qu’on était en train de l’observer. Il parvint à se redresser, posa un pied devant l’autre et marcha jusqu’à son bureau.

Il fallait que les Yuuzhan Vong remportent cette guerre, et vite. Avant que l’absence du Huitième Cortex ne crée de véritable différence. Nom Anor exigerait plus d’informations de la part de ses agents et il étudierait leurs rapports avec le plus grand soin et la plus grande diligence. Il découvrirait les faiblesses de l’ennemi et trouverait un moyen d’en tirer un quelconque avantage. Il aiderait les Yuuzhan Vong à harceler les infidèles jusqu’à ce que ceux-ci finissent par se rendre ou soient totalement éliminés. Il tenterait également de trouver un moyen d’utiliser ce savoir à son avantage. Car, après tout, il ne fallait pas oublier qu’il était Nom Anor.

 

Un hologramme scintillait dans l’obscurité de la petite salle. Des silhouettes tridimensionnelles se battaient à coups de poing. Des héros combattant le mal, pendant l’avènement des Sith.

— Vous êtes revenu… dit Vergere.

— Effectivement, répondit Luke. Et je vous ai apporté quelque chose.

Il lui tendit un paquet de douceurs – des bonbons fabriqués à partir d’une algue de Mon Calamari, confite dans le jus d’un fruit-joyau.

— Soyez le bienvenu, jeune Maître ! s’exclama Vergere en prenant le paquet.

— Je doute que vous y trouviez des informations cachées ou bien une vibrolime, dit Luke.

Vergere, mastiquant un bonbon avec une expression de réel délice, ne répondit pas immédiatement. Lorsqu’elle se décida à parler, elle déclara :

— Mes examinateurs semblent être à court de questions. Ce qui signifie qu’ils doivent être occupés à cataloguer mes réponses pour pouvoir à nouveau me poser les mêmes questions et m’obliger à me contredire. (Il y avait une vague trace d’amusement dans sa voix.) Et, si je me contredis, ils peuvent prouver que je suis une espionne parce que je suis incapable de m’en tenir à une seule version des faits. En revanche, si je ne me contredis pas, ils peuvent aussi prouver que je suis une espionne, tellement entraînée que je ne dévie pas de mes arguments.

Luke rit intérieurement, imaginant Nylykerka poussant un juron en entendant cela. Le directeur venait de montrer à Luke la transcription des entretiens avec Vergere. Tous étaient annotés pour des interrogatoires futurs. Il comprenait alors que Vergere avait anticipé toutes leurs intentions.

Vergere éteignit l’hologramme et Luke s’installa sur une chaise.

— Il y a au moins une chose qui me réconforte, dit-elle. Les feuilletons hologrammes sont aussi bêtes que dans mon souvenir.

— C’est consolant !

Elle releva la tête vers lui.

— Vous êtes venu me poser une question.

— Vous me devez déjà une réponse de la dernière fois.

Vergere se cala confortablement sur son tabouret et glissa un autre bonbon dans sa bouche.

— Alors, allez-y, marmonna-t-elle.

— Comment avez-vous empêché les Yuuzhan Vong de découvrir vos aptitudes ? Nous savons que les yammosks peuvent détecter les utilisateurs de la Force.

— C’est plus facile à démontrer qu’à expliquer. (Elle se tourna pour lui faire face.) Je vous en prie, lancez-moi une attaque dans la Force.

— Une attaque comment ? demanda-t-il, stupéfait.

— Une attaque mentale. (Ses favoris ondulèrent.) Si cela peut vous aider, vous pouvez toujours vous servir de cette colère qui vous animait la première fois que vous êtes entré dans cette pièce. Je fais confiance au fait que vous êtes un gentilhomme et que vous ne donnerez pas à cette attaque une teneur mortelle.

Abandonne-toi à ta colère. La voix séduisante de l’Empereur résonna dans son esprit. Vergere était-elle en train de provoquer intentionnellement sa fureur pour le faire basculer vers le Côté Obscur ? Si c’était le cas, la tentative était vouée à l’échec. Il avait tenu tête à Vador et à Palpatine alors qu’il n’était encore qu’un jeune homme. Aujourd’hui, il était Maître Jedi, un homme dans la fleur de l’âge, incapable de tomber dans un piège aussi grossier.

Luke se tourna sur sa chaise pour s’asseoir bien en face d’elle et croisa les jambes. La Force tourbillonna dans son esprit comme de l’eau jaillissant d’un puits artésien. Sa conscience dans la Force se propagea dans toutes les directions. Il devina la présence de Nylykerka dans la pièce voisine, celle des deux techniciens qui supervisaient les équipements, d’un prisonnier dans une autre cellule, d’autres individus qui travaillaient dans les bureaux situés à l’étage supérieur. Il sentit l’éclat de leur existence, les battements de leur cœur et, par moments, le souffle de leur respiration. Il savait que l’un des techniciens était en train de se concentrer sur un problème technique et que son collègue était en train de rêvasser à sa petite amie, une créature à quatre bras et à la fourrure bleue, à qui il ne cessait d’envoyer des fleurs et des pages entières de poèmes indigestes… Mais ce que Luke n’arrivait pas à détecter, c’était Vergere. Elle semblait avoir complètement disparu de son champ de perception dans la Force, même si elle se trouvait toujours là, en face de lui, assise sur son tabouret.

Il concentra et affina sa perception et parvint enfin à la détecter. Sa présence était fuyante, incertaine. Sa force vitale était une faible lueur froide comparée à l’éclat vivant des flammes dégagées par les autres personnes aux alentours.

Luke essaya de concentrer encore davantage son esprit sur Vergere. Mais elle lui échappait sans cesse. Elle se glissait hors de sa perception comme un pépin de melon vous glisse entre les doigts. La difficulté à saisir Vergere irrita Luke et il utilisa cet énervement pour forger une attaque délibérée sur cette cible fuyante. Une attaque vive, pareille à celle d’un serpent, constituée d’un ordre très simple visant à la faire se tenir tranquille. Le rayon mental fusa de son esprit et fut incapable d’atteindre sa cible. Alors il forgea une attaque plus violente, faisant appel à toute la puissance de la Force. Ce ne serait pas une simple gifle, cette fois, mais un coup de boutoir. Dévoile-toi, ordonna-t-il en lançant son assaut psychique. Encore une fois, Vergere lui échappa.

La frustration de Luke grandit et il utilisa son énergie pour lancer une nouvelle attaque, pareille à un coup en revers. Rien. Luke commença alors à alterner ses assauts, passant du pilonnage massif et délibéré aux coups de fouet plus agiles et plus insidieux, espérant que l’un ou l’autre finirait bien par heurter Vergere. Mais rien ne se produisit. Vergere était toujours assise sur son tabouret, ses rotules articulées vers l’arrière semblaient jaillir de derrière sa tête comme des cornes émoussées. Ses yeux demeuraient fixés sur ceux de Luke. J’arrive à voir où elle est, songea Luke. Il n’avait donc pas besoin de chercher sa présence dans la Force.

Alors il construisit une muraille mentale tout autour d’elle. Une caisse en acier afin d’empêcher son esprit de s’évader. Il tapissa les parois de la boîte avec l’ordre Dévoile-toi. Ensuite, il obligea la boîte à rétrécir, à devenir plus petite que le petit corps de Vergere, déformant les parois d’acier pour qu’elles épousent les formes de la créature avec exactitude. Une prison pour contenir son esprit. Ensuite, il invoqua encore plus la Force, forgea un énorme boulet de canon psychique susceptible de tout oblitérer sur son passage. Il y imprima l’ordre Dévoile-toi et le braqua sur la petite chose qu’il avait capturée à l’intérieur de la boîte. Dévoile-toi, ordonna-t-il à nouveau et il catapulta le boulet.

Il devina qu’il avait pénétré dans la caisse. Il savait que l’esprit de Vergere y était emprisonné, incapable de s’enfuir. Mais, curieusement, la cible minuscule parvint à se jouer de lui. Le boulet décrivit une trajectoire parabolique, traversa le mur et frappa la cellule voisine. Luke eut soudain conscience de la présence de l’autre prisonnier. Celui-ci bondit de sa paillasse en hurlant : « Oui, je l’avoue, c’est moi qui ai volé les bottes du capitaine pendant qu’il était ivre ! » Le prisonnier venait de se dévoiler.

Luke éclata de rire et laissa sa perception de la Force reprendre son flux habituel.

— Je vais finir par m’épuiser si je continue comme ça, dit-il.

— Le dernier coup a bien failli me surprendre, dit Vergere, reprenant un autre bonbon.

— J’espère que vous pourrez m’enseigner cette technique, dit Luke.

— Il y a plus d’une technique en jeu. Je suis parvenue à échapper au dernier coup avec une sorte de parade mentale. Un peu comme en escrime. Vous savez qu’on peut parer un coup sans s’y opposer, mais en le faisant fléchir légèrement pour qu’il manque sa cible ?

— Certainement.

— Eh bien, j’ai fait quelque chose de similaire. J’ai juste ajouté suffisamment d’énergie mentale à votre coup pour l’obliger à dévier. Trouver le moment précis est le plus difficile et je dois avouer qu’il y a eu une petite part de chance dans la réussite de ma parade.

— Et les autres techniques ?

— Connaissez-vous la définition du « maître de défense » ?

— Dites-moi.

— Un maître de défense est quelqu’un qui ne se trouve jamais à l’endroit où on est en train de l’attaquer. On peut dévier une attaque, comme je viens de le faire avec ma parade, mais on peut aussi tout simplement ne pas se trouver là.

— Ça ne me paraît pas aussi simple que ça, murmura Luke.

— J’appelle cette technique « se faire tout petit ». Je réduis mon esprit morceau par morceau jusqu’à ce qu’il devienne microscopique. Infinitésimal. J’ai réduit mon esprit et ma perception de la Force à l’échelon du micron. Un adversaire a autant de chance de me retrouver que de découvrir une molécule précise au milieu de millions d’autres.

— Vos larmes, dit Luke. C’est comme ça que vous avez fabriqué vos larmes.

— Très bien, jeune Maître, dit Vergere. Oui. Dans cet état, je peux organiser mes molécules, les séparer, en construire de nouvelles atome par atome. Je me suis servie de mes larmes comme support car cela m’était plus facile. Mais je peux très bien accomplir la même chose avec un autre matériau.

— Je connais une guérisseuse Jedi, Cilghal, qui serait ravie de connaître cette technique.

— J’essaierai de vous l’enseigner, si ça vous intéresse tant que ça, elle et vous. En admettant qu’on me laisse un jour sortir de cet endroit.

— Vous pouvez très bien nous l’enseigner depuis cette pièce, lui rappela Luke.

Un sourire entendu barra le visage de Vergere.

— Oui, je le peux. Mais le ferai-je ?

Vergere poussa un de ses petits rires sifflants et avala un autre bonbon.

— Admettons que l’armée vous libère et vous autorise à quitter cette cellule, dit Luke. Serez-vous prête à nous aider à combattre les Yuuzhan Vong ?

Vergere fit rouler le bonbon gluant à l’intérieur de ses joues tout en parlant.

— Si cela peut coïncider avec mes propres buts, alors, oui, je le ferai. Mais sachez que je suis plus un professeur qu’une guerrière. Je crois que mon objectif le plus important est d’aider Jacen à accomplir sa destinée. (Elle plissa les yeux.) Je comprends qu’il est votre apprenti, pas le mien, et que vous nourrissez peut-être d’autres intentions à son sujet.

— Je suis heureux de vous l’entendre dire.

Luke ne savait pas encore vraiment s’il voulait laisser Vergere approcher de Jacen à nouveau.

— Je crois avoir beaucoup à lui apprendre.

— Je ne veux pas qu’il dépende totalement de vous, rétorqua Luke.

— Mais moi non plus…

Il y eut un long moment de silence.

— Corrigez-moi si mon analyse est faussée, dit Vergere. Mais Jacen m’a laissé entendre que vous aviez imposé des restrictions aux Jedi au cours de cette guerre, interdisant ainsi toute action agressive.

— C’est effectivement ce que j’ai essayé de faire, dit Luke en riant. Je n’ai remporté qu’un succès fort modeste.

— Mais je crois comprendre que vous-même avez pris part à une offensive guerrière contre les forces de l’Empereur. Par exemple, vous avez participé à la destruction de la première Etoile Noire. Vous avez éradiqué l’organisation criminelle du Hutt appelé Jabba. Vous avez accepté un grade militaire et participé à de nombreuses missions offensives contre les forces impériales et d’autres ennemis. Vous ne vous êtes pas limité aux missions d’espionnage ou d’aide aux réfugiés.

— C’est vrai.

— Alors, voilà ma question : qu’est-ce qui a changé chez vous ?

Luke marqua une pause et réfléchit au meilleur moyen d’étayer ses arguments.

— Déjà, les Yuuzhan Vong sont des ennemis forts particuliers, commença-t-il. Nos talents spéciaux sont inefficaces contre eux. Et – comme je l’ai dit hier – j’ignorais qu’on devait tant à une espèce qui est en apparence extérieure à la vie telle que nous l’imaginons.

Vergere hocha la tête d’un air compréhensif.

— Vous avez donc admis mon opinion selon laquelle les Yuuzhan Vong ne sont pas extérieurs à la Force. Je me demande si cela a changé quelque chose.

Luke hésita.

— Non, je ne crois pas. Le Code Jedi est très clair en ce qui concerne l’agression. J’en sais bien plus sur le Côté Obscur aujourd’hui que lorsque j’avais vingt ans. Je sais combien les ténèbres peuvent vous’imprégner facilement, comment elles peuvent s’infiltrer dans votre cœur même lorsque vous êtes sûr de vos actions. Je doute que mes élèves soient prêts à accepter une chose pareille.

— Vous avez tranché la main de votre père.

— Exact.

— Vous voulez empêcher vos étudiants de commettre cette erreur que vous avez vous-même commise.

— Bien entendu.

Vergere lui adressa un regard chargé de dédain.

— Ce discours relève de l’égotisme.

Une vague de ressentiment irrita les nerfs de Luke.

— Vous ne connaissez pas mes étudiants. Vous ne savez pas combien ils peuvent être impulsifs et imprudents. Ne les jugez pas tous à l’aulne de Jacen. (Il hésita.) Kyp Durron, par exemple, a tué des millions de gens…

— Sous votre responsabilité ?

Luke hésita de nouveau.

— La situation est plus complexe que cela. J’étais paralysé et Kyp était sous le contrôle de…

— Donc, vous êtes en train de me dire que ce n’était pas votre faute, l’interrompit Vergere d’un ton sec.

— J’aurais dû mieux analyser la situation, insista Luke. J’aurais pu faire tellement plus…

— Donc, ça relève bien de votre responsabilité, l'interrompit-elle encore.

— La prochaine fois, oui, ce sera ma faute ! insista Luke. La prochaine fois qu’un de mes apprentis sera balayé par un tourbillon de ténèbres, avec des conséquences catastrophiques, oui, je serai responsable !

La crête de plumes de Vergere se souleva. Elle la lissa immédiatement du bout des doigts.

— Mais non, ce ne sera pas votre faute, dit-elle. Vous êtes un Maître Jedi, pas une nounou !

— Mais je les ai entraînés, dit Luke. Si mon enseignement échoue…

— Lorsque vous avez tranché la main de votre père, croyez-vous que vos professeurs étaient à blâmer ? demanda Vergere. Yoda aurait-il omis de vous apprendre ce que les passions, animées par les ténèbres, peuvent causer ?

— Non, je… (La frustration submergea le cœur de Luke.) C’est différent, je…

— Je… se moqua Vergere. Je, je, je… On a l’impression que sur vous reposent tous les enseignements spirituels que vous pouvez professer, à vous et à ceux dont vous assurez la formation. Ce n’est pas de l’égotisme, ça ?

Luke regarda Vergere et il comprit soudain.

— Vous êtes en train d’essayer de me faire sortir de mes gonds, c’est ça ?

— Oui, répondit-elle tout simplement. Y suis-je parvenue ?

— Oui…

Luke s’aperçut que sa colère s’était calmée en comprenant que Vergere était en train de le manipuler. Elle ne s’évanouit pas totalement, cependant, et continua de battre, en sourdine, au plus profond de son être.

— Je me suis repue de votre faiblesse, annonça Vergere. J’ai abusé de votre manque de confiance en vous, de votre incertitude à déterminer le champ de vos responsabilités par rapport à ceux qui ont été vos étudiants. (Sa coiffe de plumes ondula.) Votre colère était-elle animée par les ténèbres ?

— Presque, répondit Luke.

— Donc, où se trouvaient ces ténèbres ? En moi ? En vous ? Dans la Force ?

— Je pense que vous posez beaucoup trop de questions.

Vergere se redressa avant de s’accroupir à nouveau.

— Je me demandais à quel moment vous finiriez par le remarquer. Si vous avez une question à me poser, allez-y, je vous en prie.

— Vous prétendez que les passions animées par les ténèbres découlent du manque de confiance en soi. Mais on ne peut pas imaginer plus obscur que l’Empereur Palpatine, non ? Et je doute qu’il souffrait d’un manque de confiance en lui. Il semblait parfaitement à l’aise avec sa personnalité malfaisante. Comment peut-on concilier ceci avec votre théorie ?

Vergere marqua une pause, rassemblant ses arguments.

— Les ténèbres s’infiltrent en vous par le biais des passions obscures, dit-elle enfin. Mais il arrive qu’elles s’infiltrent en vous après y avoir été invitées. Palpatine, se connaissant plutôt bien, a très bien pu décider de son plein gré de passer du Côté Obscur ou bien de laisser les sentiments ténébreux de sa propre nature prendre le dessus.

— Vous dites qu’il aurait choisi le mal froidement, pas par passion ?

— Il arrive, de temps en temps, que les gens fassent un tel choix. (Le ton de Vergere paraissait un peu amusé.) En général, ces gens sont insignifiants ou stupides. Ils prêtent un vague serment au beau milieu de la nuit, entonnant solennellement : « Je choisis le mal ! » Quel tableau ridicule ! Mais, parfois, il arrive qu’un véritable génie décide de libérer les forces obscures qui sont tapies en lui. Palpatine était probablement de ceux-là. Je ne peux pas l’affirmer, après tout, je ne le connaissais que très vaguement du temps où il était politicien. Mais je peux affirmer ceci : les ténèbres peuvent s’infiltrer en vous autant par la méditation que par la colère.

Luke réfléchit. Il était évident que les méthodes de Palpatine et de Vador ne l’avaient pas contraint à plonger vers le Côté Obscur par le truchement de la méditation. Mais, en admettant qu’il ait accepté de devenir leur disciple, de telles pratiques auraient pu se produire.

— Ai-je complètement répondu à la question ? demanda Vergere. (Luke hocha la tête.) Donc, c’est à moi de poser une question. Pensez-vous que la Force se soucie de ce qui peut assombrir le fil de vos pensées ?

— La Force est toute vie. Elle embrasse toutes les options. Moi, je m’en soucie.

Vergere hocha la tête.

— Excellente réponse, jeune Maître. Car l’ombre, la lumière, les ténèbres, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel… (Elle se pencha en avant et tapota la poitrine de Luke du bout de l’index.) Elles sont ici même. La lumière et les ténèbres ne sont pas de grandes abstractions célestes, elles font partie de vous et la Force est le reflet de ce qu’elle peut trouver en vous.

 

Plus tard, Luke s’entretint avec Ayddar Nylykerka.

— Vous feriez peut-être bien de libérer Vergere. Vous ne tirerez d’elle guère plus que ce qu’elle vous a déjà donné, ou voulu vous donner.

— Ça ne vous préoccupe plus qu’elle puisse représenter un danger ? demanda Nylykerka, surpris.

— Ça me préoccupe toujours, dit Luke. Mais, si Vergere est une ennemie, nous ne pourrons pas le savoir en la gardant ici. Nous ne le saurons qu’en observant ses faits et gestes une fois qu’elle sera sortie.

Le Tammarien eut l’air pensif.

— Je vais sérieusement réfléchir à votre suggestion, Maître Skywalker.

— Si vous décidez de la libérer, ajouta Luke, je vous serai reconnaissant de m’en avertir en tout premier lieu. Et puis, n’oubliez pas de lui donner mon adresse et mon numéro de comlink, au cas où elle voudrait me parler.

— Je n’y manquerai pas.

Luke s’inclina.

— Merci, Commandeur Nylykerka.

— A votre service, Monsieur.

Luke regagna la surface de la planète. Les mots de Vergere tournoyaient dans sa tête. Qu’est-ce qui a changé en vous ? Peut-être que tout avait changé, finalement.

 

— Nous savons qu’il doit y avoir de très nombreux réfugiés de Vortex sur Mon Calamari, dit Lando Calrissian. Et nous sommes sûrs qu’ils sont en contact avec votre bureau.

— Ils sont effectivement très nombreux, dit Fyg Boras, sénateur de Vortex.

Lando et lui étaient confortablement assis en train de boire un verre dans la suite que Lando avait louée.

— Comme vous le savez, nous sommes venus sur Mon Calamari avec seize vaisseaux bourrés de ravitaillement et de matériel dans l’intention d’aider les réfugiés à leur installation, dit Calrissian.

Les glaçons tintèrent dans le verre de Boras. Un parfum discret d’eau de toilette à la menthe flottait dans l’air.

— J’en suis reconnaissant, au nom de mes congénères.

— Nous avons cependant un petit problème et peut-être pouvez-vous nous aider.

— Comment puis-je me rendre utile ?

— Nous avons la marchandise, c’est un fait. Mais nous ne disposons d’aucun moyen pour la distribuer. Ce que nous pensons faire, c’est vous donner vingt-cinq tonnes métriques de fournitures. Vous pourrez les distribuer à vos congénères à votre guise.

Boras écarquilla les yeux.

— C’est assurément… très généreux, parvint-il à dire. Vingt-cinq tonnes ?

Il était visiblement en train de calculer combien vingt-cinq tonnes de matériel pouvaient valoir sur le marché. Les rares parties émergées de la planète grouillaient de réfugiés provenant de douzaines de mondes. Tous avaient désespérément besoin de produits de première nécessité. Boras n’avait plus de planète natale vers laquelle revenir. Et, sans électeurs de cette planète natale à même de voter pour lui, il y avait également peu de chance pour qu’il réintègre le Sénat. Il fallait donc qu’il pense à son avenir.

— Vingt-cinq tonnes, répéta Lando. Mais il y a une petite condition.

Les yeux écarquillés de Boras se transformèrent en deux fentes inquisitrices.

— Et quelle serait cette petite condition ?

— Nous espérons pouvoir vendre nos droïdes CYV à l’armée, dit Lando. Si vous pouvez user de vos talents pour faire voter un amendement lors du prochain Conseil d’Allocation des Ressources Militaires, nous vous en serions extrêmement reconnaissants.

Boras avala prudemment une gorgée de sa boisson.

— Vous feriez peut-être mieux de me parler de ces droïdes…

— J’ai une pile de documentation avec moi, dit Lando. Sans oublier un excellent hologramme de démonstration…

Boras repartit avec de nombreux datablocs à distribuer à ses collègues. Talon Karrde sortit alors immédiatement de la pièce voisine.

— J’ai tout enregistré, dit-il.

— Le pot-de-vin de Boras pèse vingt-cinq tonnes, dit Lando en souriant. Il va avoir du mal à convaincre les gens qu’il n’a jamais rien reçu.

Rien à voir avec le sénateur de Bilbringi qui, lorsqu’on lui avait proposé le ravitaillement et le matériel, s’était tout bonnement contenté d’exiger son équivalent en argent liquide. Cet enregistrement-là valait son pesant de sucreries.

— Et qui voyons-nous, maintenant ? demanda Lando.

Karrde jeta un coup d’œil à son databloc.

— Chau Feswin, du secteur Elrood.

— Le secteur Elrood n’est pas menacé par les Yuuzhan Vong. Tu penses qu’il pourrait avoir besoin de nos marchandises ?

— Tu peux lui faire une offre, dit Karrde, haussant les épaules. On pourra toujours la convertir en liquide plus tard. (Il releva la tête.) Et on a reçu pas mal d’appels d’autres sénateurs qui ont dû entendre parler de nous par l’intermédiaire de… de nos autres clients. Apparemment, ils souhaitent vivement que l’armée s’intéresse à nos droïdes. C’est tout juste s’ils ne nous implorent pas de leur graisser la patte !

Lando regarda son partenaire et sourit de toutes ses dents.

— Je crois que nous devrions nous laisser faire !

Karrde haussa à nouveau les épaules.

— Je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas ! (Il eut soudain l’air pensif.) Je me pose une question… Si tous ces gens sont à notre solde… Je me demande s’ils ne sont pas également à la solde de quelqu’un d’autre…

— Voilà une réponse qu’il serait intéressant de connaître, n’est-ce pas ? demanda Lando. Tiens, à propos : tu as des nouvelles de Mara ?

— Non, pas encore. Mais j’espère en avoir bientôt.

 

Mara, en fait, se débrouillait très bien. Elle avait emmené CYV-S1 pour sa toute première chasse aux Yuuzhan Vong et arpentait les édifices gouvernementaux et les places publiques. Elle déjeuna à un kiosque installé dans un centre commercial, puis alla s’asseoir sur un banc pour digérer et observer les allées et venues des passants. Elle ordonna au petit droïde d’aller explorer les environs tout seul.

Son regard fut attiré par deux enfants. Ils étaient à peu près de l’âge de Ben et exécutaient leurs premiers pas dans le périmètre de la crèche à ciel ouvert que le centre commercial mettait à la disposition de ses clients. Mara sentit la tristesse monter en elle jusqu’à former une boule dans sa gorge. L’espace d’un instant, Ben lui manqua tellement qu’elle en ressentit presque une douleur physique.

C’est alors que le droïde souris lui adressa un message sur son communicateur. Mara, stupéfaite, quitta la crèche des yeux. Le communicateur sonna à nouveau. Le droïde venait de repérer un infiltrateur Yuuzhan Vong, tout au moins quelqu’un qu’il prétendait avoir identifié comme un Yuuzhan Vong. Mara demanda au droïde d’émettre une balise de repérage et elle la suivit jusqu’à ce qu’elle soit en mesure d’observer la personne en question. C’était une humaine, grande, large d’épaules, habillée de façon banale et qui semblait déambuler au hasard dans les galeries marchandes. Mara invoqua la Force dans son esprit et laissa la vie de tous les clients de la galerie se matérialiser dans sa perception. Tous les clients, sauf un. Sa cible était un vide froid dans la Force, une absence que Mara avait appris à associer aux Yuuzhan Vong.

« Beau travail, souriceau », commenta Mara.

Elle était elle-même très simplement vêtue, d’une tunique usée semblable à celles que portaient la plupart des réfugiés, dotée d’une capuche qu’elle pouvait rabattre sur ses cheveux roux beaucoup trop voyants. Il lui arrivait de ne pas se servir de la capuche, mais de se coiffer d’un chapeau mou à larges bords pour modifier sa silhouette. Elle tenait un databloc sur lequel elle pouvait envoyer des ordres au droïde souris et observer ce que le petit espion filmait.

Elle suivit sa cible à distance et laissa le droïde effectuer une bonne partie du travail d’espionnage. Sa proie déambula dans le centre commercial pendant une vingtaine de minutes, puis alla s’asseoir sur un banc, comme pour se reposer. A ce moment, Mara ordonna au droïde d’aller se poster derrière le banc, juste à temps pour voir sa cible glisser une main derrière le dossier et détacher quelque chose qu’on avait intentionnellement collé à cet endroit.

Aha ! se dit Mara avec une certaine délectation. La situation devenait bien plus passionnante que le coup du Pot de l’idiot lors d’une partie de sabacc.

La cible se releva et se remit en route dans la galerie. Mara flâna à sa suite. La grande femme s’arrêta quelques instants devant un distributeur automatique de friandises, puis reprit son chemin. Mara avança jusqu’à la machine, acheta une bricole et regarda derrière l’appareil. Elle vit qu’on y avait collé quelque chose avec de l’adhésif. Cela avait à peu près la taille d’une liasse de crédits.

Mara décida donc de laisser le droïde souris suivre le Yuuzhan Vong et d’attendre près du distributeur pour repérer la personne susceptible d’empocher ce paiement. Elle alla s’asseoir sur le rebord d’une vitrine et mangea tranquillement la barre énergétique qu’elle venait d’acheter. C’était une sorte d’algue frite et salée, qui sentait fortement l’iode et était visiblement destinée à un palais de Mon Calamari. Au bout d’une heure, l’argent fut récupéré par un mâle Sullustain. Il convertit immédiatement une part de ce pactole en une veste très voyante, dans l’une des boutiques les plus chères de la galerie. Le Sullustain retourna ensuite à son travail, dans le bâtiment que le Sénat avait réquisitionné pour son administration. Mara découvrit que le Sullustain travaillait au bureau du Sénateur Kall Praget, membre du Conseil de la Sécurité et du Renseignement.

Très intéressant, songea Mara.

Elle rejoignit alors son droïde souris, qui avait suivi l’infiltrateur Yuuzhan Vong jusqu’à un immeuble d’habitation. Mara nota mentalement l’adresse et appela Ayddar Nylykerka sur son communicateur. Elle l’invita à acheter autant de droïdes souris que possible auprès de Lando Calrissian et Talon Karrde.

CYV-S1 avait prouvé sa valeur dès sa première sortie.

 

Cola Quis abandonna la course à la présidence pour soutenir de façon virulente la candidature de Cal Omas, ce dernier lui ayant proposé en échange la direction de la chambre de commerce, des postes ministériels pour la plupart de ses amis et l’ouverture d’une antenne de l’institut Kellmer sur Ryloth. Au scrutin suivant, Cal Omas récolta suffisamment de votes pour obtenir trente-cinq pour cent des voix. Cependant, tous les supporters de Quis ne suivirent pas son exemple et Fyor Rodan obtint suffisamment de voix pour conserver la tête avec trente-sept pour cent. Pwœ restait sur ses positions avec un total de trois voix. Ta’laam Ranth, lui, parvint à récolter vingt-deux pour cent des suffrages. Ce qui signifiait que ce Gotal extrêmement poli, directeur du Conseil de Justice, contrôlait suffisamment de voix au Sénat pour décider de l’élection de Cal Omas ou de Fyor Rodan. Ranth était donc devenu celui qu’il fallait courtiser.

Des tonnes de marchandises à l’attention des réfugiés furent expédiées à la surface de la planète depuis les vaisseaux des contrebandiers restés en orbite. La motion d’allocation des ressources militaires, avec ses multiples alinéas concernant l’acquisition de milliers de droïdes CYV, fut approuvée par le Conseil de Défense et soumise au Sénat. Le Sénat, pressé par les trois candidats à la présidence d’agir le plus rapidement possible, approuva à son tour la motion, ajoutant çà et là quelques amendements visant à allouer des ressources particulières à telle ou telle planète, telle ou telle cause, voire tel ou tel membre d’une famille influente.

Mara démasqua un deuxième infiltrateur Yuuzhan Vong. Avec une escouade de droïdes souris et aidée par les agents de Nylykerka, elle entreprit de répertorier les faits, gestes et contacts des deux ennemis. Les résidences principales ainsi que les planques d’urgence furent prestement repérées et des systèmes d’écoute rapidement installés.

Considérant les implications alarmantes de ses découvertes, Mara prenait un certain plaisir à accomplir sa mission.

 

— Tous les matins, je veux que chaque recrue sous mon commandement démarre sa journée en se posant la même question. Et cette question est : comment vais-je pouvoir causer du tort aux Yuuzhan Vong aujourd’hui ?

L’Amiral Traest Kre’fey avait décidé de visiter chacun des vaisseaux de sa flotte pour y procéder à une inspection de routine, mais aussi pour s’adresser au personnel. Il se trouvait au centre du mess du Starsider. La pièce était assez vaste pour contenir tout le personnel, en poste ou de passage, à bord du vieux vaisseau de guerre. Jaina, accompagnée de Kyp et de Lowbacca, était assise à une table située le long d’un des murs de la salle. Elle observait le Bothan à la fourrure blanche faire des bonds et arpenter son estrade d’orateur.

Kre’fey était apparemment de bonne humeur. Sa manière de se comporter en public l’attestait. Il se balançait sur ses talons et brandissait régulièrement ses poings en l’air pour appuyer ses propos. Sa fourrure ne cessait de se hérisser et de s’aplanir au gré de ses émotions.

— Et si vous ne trouvez pas le moyen de causer du tort aux Yuuzhan Vong, continua l’amiral, alors vous devez vous poser cette question : comment puis-je aider mes compatriotes à devenir plus forts ?

— Ça, c’est un chef, commenta Kyp, dirigeant son murmure de façon à n’être entendu que de ses compagnons Jedi. Et on peut dire qu’on n’en a pas vu beaucoup de cette trempe depuis le début de la guerre.

— Oui, enfin, il exagère peut-être un peu, tu ne trouves pas ? murmura Jaina en guise de réponse.

Lowbacca préféra s’abstenir de parler. Son droïde de traduction manquait cruellement de discrétion et risquait fort de diffuser la teneur de ses propos à travers toute la salle. Il se contenta de pousser un petit grondement d’acquiescement.

— Nous allons gagner la guerre de production ! tonna Kre’fey. Nos usines sont en train de construire plus de chasseurs stellaires, plus de vaisseaux capitaux et plus d’armement qu’elles n’en ont jamais construit ! De plus en plus de pilotes et de soldats sortent de nos écoles ! D’ici quelques mois, nous aurons remplacé toutes les terribles pertes causées par cette guerre et qui nous ont affectés jusqu’à présent !

Jaina repensa à Anakin et à Chewbacca, à Anni Capstan, à tous les autres, à ces millions d’êtres qui avaient vécu sur Sernpidal ou sur Ithor. Des individus en harmonie avec leur environnement et les autres êtres vivants qui les entouraient. Les remplacer ? Personne ne pourrait jamais les remplacer.

— Ce voyage sur Bothawui a changé l’amiral, dit Kyp. Avant, il était beaucoup moins virulent.

— Les Bothan ont déclaré Par’krai et se sont dédouanés eux-mêmes de toute responsabilité morale, dit Jaina. J’imagine que ça peut contribuer à vous redonner de l’énergie.

— Nous allons écraser les Yuuzhan Vong ! clama Kre’fey. Nous allons les pulvériser jour après jour ! Nous allons les exterminer jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus un seul !

Un tonnerre d’applaudissements retentit dans la vaste salle. Jaina et les autres Jedi gardèrent le silence.

Le discours de Kre’fey se termina sous les acclamations. Jaina, qui s’apprêtait à quitter la salle, fut arrêtée par l’un des assistants de l’amiral.

— Major Solo ? demanda-t-il. L’amiral aimerait s’entretenir avec vous.

Kre’fey reçut la jeune femme dans le bureau que le capitaine du Starsider avait mis à sa disposition. Il semblait encore imprégné de l’enthousiasme de son discours, allant et venant dans la pièce, se balançant sur ses talons. L’odeur si caractéristique du Bothan surexcité flottait tout autour de lui.

— Je vous ai aperçue dans le public et j’ai donc demandé à Snayd d’aller vous chercher pour que nous puissions discuter.

— Certainement, Monsieur.

Les discussions avec les amiraux étaient fort rares quand on avait l’âge et l’expérience de Jaina, et elle pensa que cette façon de s’exprimer convenait.

Les favoris de Kre’fey semblaient rayonner.

— Le discours vous a-t-il plu ?

— Je crois qu’il s’agit du discours le plus virulent qu’il m’ait été donné d’entendre depuis le début de la guerre, répondit Jaina avec le plus de sincérité possible.

Un certain nombre de choses intéressantes avaient tout de même été énoncées au cours de la conférence.

— Venant de la fille de Leia Organa, je considère qu’il s’agit effectivement d’un compliment, répondit Kre’fey, très impressionné.

— Ma mère n’a guère eu l’occasion de prononcer de discours ces derniers temps, Monsieur, dit Jaina.

— Et c’est regrettable. (Kre’fey marqua une pause, sa main couverte de fourrure caressa le dessus poli de la table de travail.) Je me disais… que j’avais l’intention de vous envoyer rendre visite à votre frère.

— Pardon Monsieur ?

Jaina, ravie, en avait perdu la voix. Elle allait revoir Jacen ! Le toucher ! Sentir son esprit flotter dans le lien psychique que les jumeaux entretenaient…

— Le colonel Darklighter me dit que, au cours de ces derniers mois, vous n’avez cessé de mener des actions contre l’ennemi. Vous avez besoin de repos. La guerre a besoin de vous, Major. Mais les choses se sont un peu calmées des deux côtés depuis la chute de Coruscant. Et je pense que le moment est bien choisi pour vous accorder une pause. Je vous envoie donc en permission sur Mon Calamari pour une période de deux semaines… (Il laissa sa dernière phrase en suspens, puis leva un doigt qu’il tendit vers Jaina.) Mais vous allez effectuer une mission spéciale pour moi, vous comprenez ?

Jaina fit de son mieux pour ne pas avoir l’air éberlué.

— Non, Monsieur, balbutia-t-elle. Je ne comprends pas vraiment.

— Vous avez bien dit qu’il vous fallait plus de Jedi pour continuer vos expériences sur le lien psychique au combat, non ? Je veux que vous alliez parler à votre mère, à votre oncle Luke, et je veux que vous me recrutiez des Jedi ! Je veux des Jedi à bord de mes vaisseaux et qu’ils soient liés les uns aux autres au combat par le truchement de la Force. (Il sourit.) Qu’est-ce que vous en pensez ?

— Je ferai de mon mieux, Monsieur. Mais… (Elle sentit une série d’objections croître malgré elle dans son esprit.) Mon escadron a dû être complètement réorganisé au cours du dernier mois, Monsieur. J’ai deux jeunes recrues fraîchement sorties de l’école de pilotage. Quatre autres qui ne sont là que depuis quelques semaines. Nous n’avons pas eu l’occasion de voler suffisamment longtemps en équipe… J’ai besoin de temps, Monsieur… Je ne sais pas si mon escadron se passera de moi comme ça.

— Votre second pourrait peut-être prendre le relais pendant quelques semaines, non ? demanda Kre’fey. C’est un Jedi, lui aussi. Un Wookiee, c’est ça ?

— Oui mais il a déjà fort à faire avec son équipe pour s’occuper de la Supercherie.

— Son équipe peut bien se passer de lui quelques heures par jour. Je veux que vous alliez sur Mon Calamari pour nous ramener des Jedi. (Il sourit gentiment.) Et je veux que vous preniez un peu de repos. Vous avez travaillé trop dur ces derniers temps – comme la plupart d’entre nous, d’ailleurs.

Il se leva et Jaina comprit que l’entretien était terminé. Elle se leva à son tour et salua.

— Je vais demander à Snayd de s’occuper de votre ordre de mission, conclut Kre’fey. Vous partez demain.

— Très bien, Monsieur.

Bientôt elle retrouverait Jacen !

Le jour suivant, pendant qu’elle mettait le cap sur Mon Calamari à bord de son Aile-X, elle vit l’Escadron des Soleils Jumeaux passer devant elle en trombe. Les engins étincelèrent dans la lumière solaire de Kashyyyk. Elle pivota d’une aile sur l’autre pour les saluer, coupa ses subluminiques et disparut dans l’hyperespace. Elle avait l’impression de trahir ses équipiers en les abandonnant ainsi. Les nouveaux avaient encore besoin de beaucoup d’entraînement avant d’avoir la moindre chance de survivre face aux Yuuzhan Vong. Et elle ne serait pas là pour superviser leurs exercices. Et si l’un d’entre eux venait à mourir à cause de quelque chose qu’elle n’aurait pas pu leur expliquer pendant son absence ? Et si son escadron tout entier était conduit au désastre pour une raison qu’elle aurait été capable d’éviter ?

Jaina avait foi en Lowie, il ferait du bon travail en tant que commandeur de l’escadron. Mais ce n’était pas l’escadron de Lowie. C’était le sien. Si quelque chose devait lui arriver, elle en serait responsable.

Jaina soupira, se cala de nouveau dans son siège-baquet et commença la programmation du premier d’une longue série de sauts hyperspatiaux destinés à éviter les zones dangereuses qui s’étendaient entre les nombreux mondes conquis par les Yuuzhan Vong, entre Kashyyyk et Mon Calamari. A la pensée qu’elle allait revoir Jacen tous ses doutes s’effacèrent.

 

— Soyez le bienvenu, Sénateur. (Lando, souriant de toutes ses dents, serra la main de Fyg Boras et l’escorta jusqu’à un fauteuil.) J’aimerais vous faire part de mon admiration pour la rapidité avec laquelle votre comité s’est occupé de l’amendement concernant les CYV.

— Un nombre surprenant de mes collègues s’est prononcé en faveur de cet amendement, dit Boras. Un nombre assez peu crédible, je trouve…

— De nos jours, dit Lando, toute personne ayant à sa disposition des tonnes de ravitaillement et de matériel se fait rapidement des tas de nouveaux amis.

— Vous en distribuez beaucoup trop. Le prix des produits de première nécessité a considérablement dégringolé au cours des derniers jours.

— Mais, enfin, c’est pour le bien de tous, Sénateur ! s’exclama Lando.

— Sans aucun doute, sans aucun doute… dit Boras, visiblement peu enchanté.

Lando et Karrde avaient tellement inondé le marché de marchandises que les profits illicites du sénateur parvenaient à peine à couvrir le coût du stockage des produits qu’il essayait de vendre en secret.

Les tricheurs ne sont jamais gagnants, songea Lando avec ironie.

— Je me disais qu’on pourrait peut-être discuter de l’avenir de nos relations, dit Lando en venant s’asseoir à côté du sénateur.

— J’espère que vous n’allez pas encore me proposer du ravitaillement !

Lando joignit les mains devant lui et essaya d’ignorer l’eau de toilette mentholée et nauséabonde que portait Boras.

— Non. J’espère, reprit Lando, que nous allons pouvoir discuter de l’élection du prochain Chef de l’Etat.

— J’apporte mon soutien à Fyor Rodan, comme vous devez déjà le savoir.

— On pourrait peut-être vous faire changer d’avis…

— Ce n’est pas possible, dit prestement Boras. Mon engagement est définitif.

— C’est extrêmement regrettable. Parce que j’ai bien peur que des gens puissent tomber sur cet enregistrement holographique…

Il pressa le bouton de mise en route du projecteur tridimensionnel de la salle. Boras regarda, avec une nervosité croissante, la vidéo de sa première entrevue avec Lando.

— Mais vous ne pouvez pas diffuser une chose pareille ! aboya-t-il. Si on m’accuse d’accepter un dessous-de-table – ce qui n’est pas le cas –, alors vous êtes coupable de me l’avoir proposé ! Diffuser cet hologramme reviendrait à poser votre tête sur le billot !

— Mais je ne prétendrai jamais avoir tenté de vous corrompre, dit Lando avec indignation. Je n’ai jamais corrompu qui que ce soit dans ma vie !

— Alors, qu’est-ce que ça signifie ? demanda Boras.

— Je vous ai confié les marchandises pour qu’elles soient distribuées gratuitement aux réfugiés, dit Lando. L’enregistrement est très clair à ce sujet. Si on arrive à prouver que, par la suite, vous avez vendu les marchandises aux réfugiés, au lieu de les distribuer, alors… Eh bien, cela sera considéré comme parfaitement illégal, n’est-ce pas ?

Boras foudroya Lando d’un regard plein de haine.

— Bien… dit Lando en arborant un sourire éclatant. Et si nous parlions du futur Chef de l’Etat ?

Au cours des trois jours qui suivirent, on assista à un nombre extraordinaire de défections dans le camp de Fyor Rodan. Et pas uniquement chez ceux qui s’étaient laissé corrompre, mais également chez ceux dont les activités risquaient d’être dévoilées au grand jour grâce aux enquêtes effectuées par l’équipe de Talon Karrde. Ceux qui avaient, par exemple, réquisitionné des vaisseaux de la Flotte pour s’enfuir de Coruscant, ceux qui avaient exigé d’être escortés jusqu’à une zone sûre alors que d’autres vaisseaux, privés de soutien et de défenses, étaient restés en arrière et avaient succombé à l’ennemi. Il y avait aussi ceux qui avaient autorisé la libération de criminels sous réserve que ces criminels les aident à échapper aux Yuuzhan Vong. D’autres avaient même accepté d’importants pots-de-vin pour transférer des criminels de grande envergure loin de la planète. Un certain sénateur avait abandonné toute sa famille afin d’escorter un ploutocrate trop nourri et son harem de maîtresses. La plupart d’entre eux – en général des supporters de Fyor Rodan – furent contraints d’annoncer publiquement qu’ils avaient changé d’avis et avaient l’intention de voter pour Cal Omas.

 

Le matin suivant, Mara, travaillant à présent avec deux droïdes souris CYV-S, repéra un infiltrateur Yuuzhan Vong. Elle prit la femme en filature à son domicile et la suivit à travers les rues grouillantes de réfugiés jusqu’aux limites de la cité flottante de Heurkea. Là, d’élégants murs incurvés empêchaient les vagues de l’océan de venir inonder les rues. La Yuuzhan Vong ne semblait guère s’intéresser à la vue. Elle marcha le long de la base du mur jusqu’à une structure en forme de bulle qui s’étendait au-dessus de l’eau.

Lorsque sa cible entra dans la structure, Mara resta à l’extérieur et envoya l’un de ses droïdes souris par la vaste porte d’accès. L’endroit était en fait une sorte de marina privée. Des bateaux et des submersibles de formes et de tailles diverses étaient amarrés à des rangées de pontons. La Yuuzhan Vong discuta avec un Quarren, assis derrière un bureau près de l’entrée. Le Quarren finit par lui tendre ce qui ressemblait à un trousseau de clés. L’infiltrateur s’engagea alors sur l’une des longues jetées.

Mara posta son second droïde près de la porte et pénétra dans la structure. L’odeur de l’océan, mélange de sel et d’iode, était très prenante dans l’espace confiné. Elle aperçut la Yuuzhan Vong en train d’inspecter un sous-marin. Rabattant sa capuche vers l’avant pour dissimuler en partie son visage à la Yuuzhan Vong, Mara s’approcha du Quarren.

— Vous louez des submersibles, ici ? demanda-t-elle.

— Non, répondit le Quarren. Nous louons uniquement des emplacements pour les navires privés. (L’un de ses tentacules faciaux se tendit poliment vers la porte.) Si vous voulez louer un sous-marin, vous prenez à droite en sortant, vous longez le mur jusqu’à…

— Excusez-moi, dit Mara.

Son communicateur venait de sonner. Elle s’éloigna du bureau au moment où un humain de taille conséquente entrait dans la structure. Le nouvel arrivant cligna plusieurs fois des yeux pour s’accoutumer à la relative obscurité qui régnait dans la marina couverte. Pendant ce temps, Mara entreprit de lire sur son databloc les informations que son deuxième droïde souris venait de lui envoyer.

L’individu était également un Yuuzhan Vong déguisé.

Mara sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Elle détourna la tête et essaya de rabattre un peu plus sa capuche sur son visage. Mara Jade Skywalker faisait certainement partie des personnes que les infiltrateurs pouvaient reconnaître, surtout de si près. Mais le nouveau venu ne semblait pas s’intéresser à elle. Il ne s’intéressa pas, non plus, au Quarren. Sans prendre le soin de regarder autour de lui, il traversa le bâtiment, remonta le long de la jetée et rejoignit l’autre Yuuzhan Vong.

Mara passa rapidement la situation en revue. Pendant des années, elle avait été la Main de l’Empereur. Elle avait vécu une existence d’espion, d’infiltrateur, d’assassin. Elle comprenait donc fort bien les méthodes d’espionnage. Cette rencontre de deux infiltrateurs Yuuzhan Vong violait tous les principes élémentaires du métier ! Si tous deux avaient besoin de se parler, pourquoi ne l’avaient-ils pas fait en privé, par l’intermédiaire de villips ? En imaginant qu’ils ne disposaient pas de villips, ils auraient pu utiliser des lettres codées ou bien, en prenant toutes les précautions nécessaires, se servir d’unités de communication.

Il restait donc trois explications possibles à la rencontre au grand jour de ces deux Yuuzhan Vong : soit ils étaient complètement idiots, soit ils souffraient d’un excès de confiance en eux. Ou il se produisait quelque chose d’une importance telle que les Yuuzhan Vong avaient dû passer outre les précautions élémentaires pour pouvoir mener à bien une opération. Mara devina rapidement quelle était la bonne option.

Les Yuuzhan Vong venaient d’ouvrir le cockpit de leur submersible. Ils descendirent l’échelle de coupée. Mara se tourna alors vers le Quarren assis à son bureau.

— Vous êtes certain de ne pas louer de sous-marins ? demanda-t-elle en exécutant un imperceptible geste du bout des doigts.

— Bien sûr, dit le Quarren, je suis certain que nous pouvons vous louer un sous-marin.

— J’en veux un qui soit rapide. Et je le veux immédiatement.

Le Quarren se pencha sous son bureau et, se relevant, tendit à Mara un trousseau de clés.

— Emplacement Cinq B, Madame, dit-il.

— Merci, répondit Mara en empochant les clés.

Les tentacules du Quarren ondulèrent pour lui dire au revoir.

— Faites bon voyage, Madame.

Les Yuuzhan Vong venaient de refermer l’écoutille de leur cockpit. Mara essaya de ne pas courir à toutes jambes jusqu’à l’emplacement Cinq B.

Son submersible était un modèle sport, très effilé, dont les courbes élégantes de la coque témoignaient de l’amour du détail que les ingénieurs de Mon Calamari insufflaient à toutes leurs créations. Le cockpit transparent était prévu pour accueillir deux passagers, l’un derrière l’autre, et la coque arborait un motif vert foncé qui évoquait des écailles de poisson.

Mara largua les deux amarres du bateau, posa un pied sur la coque et sentit le sous-marin tanguer sous sa botte. Elle glissa la clé dans la serrure et la verrière en forme de bulle roula sur le côté en produisant un sifflement hydraulique. Mara s’installa dans le siège de pilotage et repéra rapidement le bouton de mise en route. Elle appuya dessus et la console d’instruments s’anima immédiatement.

La planche de bord paraissait fort simple comparée à celle d’un chasseur stellaire. Mara tira sur sa tunique qui s’était coincée dans la charnière de la verrière et referma le cockpit. Elle entendit les verrous cliqueter, indiquant que le submersible était à présent pressurisé et prêt à plonger. Des ventilateurs se mirent automatiquement en route. Mara appuya sur la commande des moteurs. Des jets d’eau se mirent à siffler du gouvernail et le petit sous-marin quitta son emplacement.

Elle vit que le navire piloté par les Yuuzhan Vong venait d’atteindre l’entrée de la marina et s’apprêtait à prendre la mer. Mara appuya sur une commande pour accélérer. Elle frôla de quelques millimètres la coque d’un vaisseau qui se trouvait à proximité et se lança à la poursuite de ses ennemis.

Elle zigzagua entre les jetées et rejoignit la porte de sortie juste au moment où les vagues de l’océan caressaient le cockpit du sous-marin Vong, lui-même en train de plonger sous la surface. Mara mit le cap sur le navire disparaissant sous ses yeux et jeta un coup d’œil à son contrôle de ballast. L’air fut éjecté des réservoirs et elle commença à s’enfoncer sous les eaux.

Le pilotage d’un submersible, découvrit-elle, ressemblait à celui d’un chasseur stellaire. Mais au ralenti. L’engin tanguait et roulait comme un appareil atmosphérique. Et, comme un appareil atmosphérique, il se comportait au mieux de ses capacités à sa puissance maximale. Les ballasts de proue et de poupe se remplirent enfin totalement, signifiant que Mara n’aurait plus à s’arc-bouter sur la barre de plongée pour maintenir le submersible à la profondeur voulue.

La visibilité était correcte. Mais une bonne visibilité, quand on se trouvait sous l’eau, ne dépassait guère la centaine de mètres. Fort heureusement, les écrans de contrôle signalaient en permanence la présence d’autres vaisseaux immergés à proximité.

Les systèmes de détection à base d’ondes radio étaient totalement inopérants en plongée. Les submersibles étaient donc dotés d’un équipement utilisant les ondes sonores. Plutôt que d’obliger chaque engin immergé à envoyer des signaux, au risque de brouiller les capteurs des vaisseaux des environs et de créer une cacophonie, la cité flottante de Heurkea produisait elle-même des pulsations sonar à basse fréquence qui permettaient de repérer tous les navires dans un rayon d’une trentaine de kilomètres. Pour manœuvrer les uns par rapport aux autres, les sous-marins devaient régler leur sonar en mode passif afin de recevoir les informations envoyées par la cité.

Mara n’eut aucun problème pour repérer sa cible. Elle parvint à le faire sans attirer l’attention, mais elle fut tout de même obligée d’accélérer à un moment afin de s’assurer que l’engin qu’elle poursuivait était bien le bon. Elle se glissa discrètement dans son sillage, reconnut la configuration de la cabine, puis laissa son submersible partir un peu à la dérive. Comparé à l’appareil de Mara, l’engin des Yuuzhan Vong était un vaisseau spacieux, assez ramassé et relativement large. Les deux passagers pouvaient s’asseoir côte à côte à l’avant. Elle pensa que son engin en forme de tube était probablement plus rapide que l’autre. Ceci, ajouté à l’excellent système de sonar produit par Heurkea, lui permit de conserver une certaine distance entre son sous-marin et celui des Yuuzhan Vong, allant même jusqu’à suivre des voies maritimes détournées pour éviter que ses ennemis ne se rendent compte qu’ils étaient suivis.

Le sous-marin des Yuuzhan Vong progressait délibérément à vitesse relativement réduite. Il descendit jusqu’à trente-cinq mètres de profondeur et contourna la section immergée de la cité flottante jusqu’à rejoindre un point qui se trouvait exactement à l’opposé de la marina de départ. A cette profondeur, toutes les couleurs disparaissaient au profit d’un dégradé de bleu et de gris. De temps en temps, l’éclair argenté d’un prédateur aquatique, poursuivant un poisson plus petit, apparaissait dans les halos des fenêtres brillamment éclairées des résidences sous-marines. En contrebas, l’océan n’était qu’une vaste nappe bleu nuit qui semblait s’étendre à l’infini, une immensité azurée qui paraissait aussi vaste que l’espace lui-même.

Le bateau des Yuuzhan Vong modifia sa vitesse et commença à faire du surplace. Mara ralentit son engin, ne sachant que faire sans révéler sa présence. Si elle se mettait elle aussi à faire du surplace, elle risquait d’attirer l’attention des Yuuzhan Vong, mais aller et venir dans les environs risquait de produire le même effet indésirable. Elle décida plutôt de passer suffisamment près de sa cible pour essayer de deviner les intentions des infiltrateurs. Elle poussa sur sa barre de plongée et se glissa sous le submersible des Yuuzhan Vong, puis elle réduisit sa vitesse afin de bénéficier de suffisamment de temps pour ses observations. Elle manqua de faire un bond de surprise lorsque son sous-marin croisa dans l’axe de l’un des émetteurs de sonar de la cité. Elle sentit le grondement sourd des basses fréquences résonner jusque dans ses os et les petits rivets en métal de son appareil se mirent à vibrer.

La forme trapue de sa cible se trouvait à présent au-dessus d’elle, elle se détachait dans les reflets bleu clair et argent de la surface de l’océan qui ondulait trente-cinq mètres plus haut. Le navire Yuuzhan Vong avait la poupe tournée vers l’océan. Sa proue était directement dirigée sur la cité flottante et il se demeurait immobile. Mara releva la tête vers le bateau ennemi, incapable de deviner ce qui se tramait dans sa coque obscure. Mais, grâce aux excellentes vertus acoustiques de l’eau, elle entendit le bruit d’un petit moteur électrique, bientôt suivi par un bruit de frottement de plaques de métal. Le son se produisit à nouveau. Cette fois, elle tourna les yeux vers la proue du vaisseau Yuuzhan Vong et perçut un vague mouvement juste sous le nez de l’appareil. Une sorte de protubérance s’était formée sur bâbord, similaire à celle qui était apparue sur tribord.

C’est alors que le sang de Mara se figea. Elle comprit avec horreur la teneur de ce qu’elle était en train d’observer. Le submersible Yuuzhan Vong venait d’ouvrir ses tubes lance-torpilles. Il allait tirer ses missiles sur la cité flottante de Heurkea. Mais pourquoi ? se demanda Mara. Heurkea était énorme. Une simple paire de torpilles ne suffirait pas à la couler. Mara se tordit le cou vers bâbord, observant, consternée, les façades immergées de la cité et les séries de fenêtres éclairées donnant sur les profondeurs de l’océan. Et là, se découpant dans la lumière d’une croisée, apparut sa réponse : la haute et hirsute silhouette d’un Wookiee. Triebakk. Triebakk était en train de regarder par le mur de transparacier complètement embué de l’appartement de Cal Omas. Cal Omas, qui avait de fortes chances de devenir le Chef d’Etat et dont la tâche serait de continuer la guerre contre les Yuuzhan Vong. Triebakk fut bientôt rejoint par une autre silhouette dégingandée que Mara reconnut aussitôt. Cal Omas. Cal et Triebakk restèrent debout devant l’immense baie vitrée. Mara devina qu’ils avaient des verres à la main. Peut-être étaient-ils en train de fêter quelque chose.

Le sous-marin Yuuzhan Vong apparut dans le champ de vision de Mara, droit devant elle. L’engin qu’elle pilotait n’était pas armé, ne disposait d’aucune torpille. Mais, d’un autre côté, on pouvait considérer son sous-marin comme une arme à part entière. Il pesait une tonne métrique et pouvait se mouvoir à grande vitesse. Si elle ne parvenait pas à couler l’ennemi en l’éperonnant, elle arriverait peut-être au moins à le rendre inopérant. Mara fit pivoter son submersible presque à la verticale, injecta à ses propulseurs la puissance maximale et pointa l’engin vers la verrière du cockpit de l’appareil ennemi. Elle contourna sa cible par le haut et fondit sur elle par tribord. Si elle réussissait à briser la verrière, ses ennemis seraient probablement tués sur le coup et ils couleraient vers le fond sans laisser la moindre trace.

— Redressez ! Redressez ! Alerte collision ! Redressez !

Mara fit un bond lorsque la voix synthétique retentit dans son cockpit. Le sonar passa du mode passif à l’actif. Une série de signaux d’alarme très aigus se mirent à sonner pour la prévenir du danger imminent. Les commandes lui sautèrent des mains et le pilotage automatique tenta de reprendre le contrôle du vaisseau. Mara lutta pour maintenir sa trajectoire vers sa cible. Des yeux, elle chercha un quelconque bouton d’arrêt du pilotage automatique.

— Redressez ! Redressez ! Alerte collision ! Redressez !

Les choses se déroulèrent trop vite et Mara n’eut pas le temps de trouver l’interrupteur. Il y eut un impact. Dans un fracas de tôle froissée, son submersible roula par-dessus l’engin des Yuuzhan Vong. L’appareil de Mara dériva vers bâbord. Son aileron bâbord avant venait de se coincer dans le gouvernail dorsal du sous-marin ennemi. Attachés l’un à l’autre, les deux navires tourbillonnèrent ensemble avant de se séparer en produisant un épouvantable grincement métallique. Mara regarda par-dessus son épaule et vit le sous-marin Yuuzhan Vong piquer du nez. Des nuées de bulles se formèrent sous l’action de la cavitation au niveau des propulseurs alors que l’appareil essayait de rétablir son assiette. L’un des Yuuzhan Vong, projeté contre la verrière lors de l’impact, foudroya Mara du regard. Son visage humain artificiel était déformé par la fureur.

Mara sentit que Cal Omas et Triebakk étaient toujours là. Ils essayaient de deviner, par la baie vitrée, ce qui pouvait bien se passer dans les profondeurs bleutées de l’océan. L’engin ennemi disparut dans l’obscurité et Mara reprit de la vitesse. Elle tira sur ses commandes pour faire demi-tour et se préparer à un nouvel assaut. Son aileron de plongée bâbord avait été déformé par le premier impact. Elle entendit le chuintement de l’eau glissant avec difficulté le long de la surface de métal tordu et sentit l’effet de mouvement dérivant que la distorsion de l’aileron imposait à son appareil.

Soudain, elle entendit un bruit de propulsion. Une sonnerie se mit à retentir avec frénésie. Elle garda le contrôle de ses nerfs en découvrant que les Yuuzhan Vong venaient de tirer une torpille. Sa perception dans la Force lui révéla alors que le missile était pointé vers elle et non vers la fenêtre où se tenait Cal Omas. Elle devina la masse de la torpille en approche. Elle écouta les signaux sonores de moins en moins espacés, de plus en plus aigus sous la distorsion de l’effet Doppler retransmis par son sonar actif alors que le projectile fonçait vers elle. Elle fit virer son navire vers bâbord, espérant que la résistance causée par l’aileron abîmé lui permettrait d’exécuter un virage plus serré. Simultanément, elle propulsa une onde dans la Force, essayant de diriger un courant violent vers la torpille afin de la faire dévier vers la droite.

Le missile passa à moins de deux mètres de l’aileron tribord du sous-marin de Mara. Elle se raidit pour se préparer à l’explosion qui serait certainement déclenchée par le détonateur de proximité. Mais la torpille ne devait être dotée que d’un détonateur de contact, prévu pour exploser uniquement en cas d’impact. Le missile aquatique continua sur sa lancée. Les sonneries frénétiques baissèrent en intensité, glissèrent vers les graves et s’espacèrent de plus en plus au fur et à mesure que la torpille s’éloignait.

Mara observa ses écrans de contrôle et vit que le submersible des Yuuzhan Vong avait effectué une manœuvre maladroite, essayant de pointer sa seconde torpille vers la fenêtre où se tenait Cal Omas. Mara lutta avec ses commandes, handicapées par l’aileron cassé. Elle releva le nez de son sous-marin et remonta à cinq mètres au-dessus de ses adversaires. Difficile, apparemment, de neutraliser le pilotage automatique qui, sans aucun doute, ferait tout son possible pour l’empêcher d’éperonner le vaisseau. Cela ne semblait pas faisable ou bien cela nécessitait un code spécial que Mara ne connaissait pas. Il faudrait donc qu’elle anticipe les actions du pilotage automatique, qu’elle tienne compte de ses interférences dans ses manœuvres contre l’ennemi.

En poussant sur la commande des gaz, elle se rendit compte que le signal sonore du sonar, auquel elle n’avait plus prêté attention, avait changé d’octave et de tempo, devenant plus aigu et plus rapide. Visiblement, la première torpille venait de faire demi-tour et revenait à la charge.

L’engin Yuuzhan Vong flottait droit devant. Il achevait sa rotation afin de pointer son dernier missile sur la cité flottante. Les sonneries du sonar montèrent encore dans l’aigu et se firent plus fréquentes. Elle poussa ses commandes sur la vitesse maximale et plongea vers le sous-marin ennemi. L’eau se mit à siffler de façon stridente dans les jets de propulsion.

— Plongée ! Alerte collision ! Plongée ! Alerte collision !

Cette fois, le pilotage automatique essayait d’augmenter l’angle de descente afin de passer sous l’autre appareil. Mara tira de toutes ses forces sur la commande pour conserver sa trajectoire sur sa cible.

— Plongée ! Plongée !

Les sonneries provenant de l’arrière se mirent à retentir plus vite que les battements du cœur de Mara. Elle sentit son appareil vibrer de toutes ses structures, tentant de réagir aux commandes contradictoires face à l’impact imminent de la torpille en approche. Mara lâcha brusquement le contrôle du gouvernail et laissa le pilotage automatique prendre le relais.

L’aileron endommagé dévia le sous-marin sur bâbord tout en le conduisant sous la coque obscure de l’appareil ennemi. Mara aperçut alors avec horreur la silhouette menaçante du gouvernail des Yuuzhan Vong dressé vers son cockpit comme une lame tranchante. Heureusement, la dérive s’accentua et le sous-marin de Mara passa à quelques millimètres seulement de la catastrophe. La première torpille était alors si proche que Mara pouvait presque entendre le sifflement de son propulseur dans l’eau.

Puis le missile éperonna de plein fouet la poupe du sous-marin Yuuzhan Vong, au moment même où l’engin de Mara terminait sa manœuvre d’esquive. Le petit submersible fut lui aussi percuté par l’onde de choc aquatique et s’en alla tourbillonner follement dans l’océan. Mara appuya des mains et des pieds sur ses commandes pour essayer de stabiliser son appareil dans le maelstrom blanchâtre de l’explosion. Elle y parvint enfin. Elle était suspendue la tête en bas dans son cockpit. Une de ses jambes était repliée sous son fauteuil et l’autre, appuyée contre la planche de bord pour l’empêcher de tomber. En quelques jets prudents de ses propulseurs de manœuvre, elle fit rouler le submersible sur lui-même et se retrouva dans une position beaucoup plus confortable.

D’un côté, elle aperçut la carcasse du sous-marin des Yuuzhan Vong disparaître en tournoyant dans les profondeurs bleutées de la mer. De l’autre, elle vit la masse énorme de la cité flottante, visiblement intacte. Triebakk et Cal Omas n’étaient plus à la fenêtre. Malgré les courants et perturbations de l’eau, Mara aperçut que la porte de l’appartement était grande ouverte. Ils avaient visiblement quitté les lieux.

Alors, vous deux, vous avez fini par comprendre ce qu’étaient ces sonneries aiguës, hein ? songea-t-elle.

Parfait. Mieux valait tard que jamais.

 

Luke fut prévenu dès que Mara eut refait surface. Il conduisit Cal Omas à son appartement. Avec Jacen, déjà installé, on commençait à se sentir un peu à l’étroit, mais l’immeuble était relativement élevé au-dessus du niveau de la mer et construit dans un quartier où la sécurité était plus stricte. Lando leur envoya deux droïdes CYV afin d’assurer leur protection. Sous couvert de générosité, il proposa ses droïdes de sécurité à tous les autres candidats à l’élection présidentielle.

Ayddar Nylykerka intervint en faveur de Mara, qu’on accusait d’avoir volé un submersible, endommagé ensuite lors d’un règlement de comptes sous-marin. Mara fut libérée et regagna l’appartement tard dans la soirée. Elle comprit alors ce que Cal Omas et Triebakk avaient célébré quelques heures plus tôt. Lors d’un tour de scrutin tenu le matin même, Cal était passé en tête des suffrages avec quarante-six pour cent des voix. Il était suivi par Fyor Rodan, avec vingt-quatre pour cent, et par Ta’laam Ranth, avec vingt pour cent. Pwœ, lui, avait gagné un vote supplémentaire et totalisait à présent quatre petites voix.

— Maintenant, les vingt pour cent de Ta’laam n’ont plus tout à fait la même valeur, expliqua Cal à Mara. Je n’ai pas besoin de lui promettre grand-chose parce que je me doute que ceux qui le soutiennent vont, petit à petit, rejoindre les rangs de mes supporters dans l’espoir que je serai très généreux avec eux ultérieurement. (Il eut soudain l’air perplexe.) Ce que je n’arrive pas à m’expliquer, c’est comment, d’un seul coup, une bonne partie des supporters de Fyor Rodan a retourné sa veste. (Il leva les yeux vers Luke.) Vous n’y êtes pour rien, n’est-ce pas ?

— Non, répondit Luke.

Cal sourit.

— Non, effectivement, je ne pense pas que les techniques de contrôle mental des Jedi puissent être efficaces sur les politiciens. Je suppose que les supporters de Fyor ont dû découvrir quelque chose à son sujet… Quelque chose de gênant, pour peu que cela soit révélé au grand jour. Ils ont donc voulu quitter le navire pendant qu’il en était encore temps.

— Je confirme que je n’y suis personnellement pour rien, annonça Luke, mais je pense connaître le responsable.

Mara adressa à son époux un regard acéré. Visiblement, je ne suis pas la seule à avoir fait quelques petits détours, se dit-elle.

Le sourire de Cal s’estompa.

— Et vous pensez que je devrais être au courant ? demanda-t-il.

— Non, absolument pas, répondit Luke. Mais, à votre place, je ne compterais pas sur les transfuges des supporters de Fyor pour autre chose que quelques voix supplémentaires. Ils ne seront utiles que pour le dernier tour de scrutin. Vous auriez intérêt à ménager les partisans de Ta’laam Ranth dès maintenant : essayez d’en courtiser le plus grand nombre possible, car ce sont certainement sur eux que vous pourrez compter dans l’avenir.

Cal se frotta le menton.

— Bon, je m’abstiendrai de vous poser d’autres questions…

— Vous êtes un homme brillant, dit Luke. Vous allez très bien comprendre et vous en tirer sans mon aide.

Mara, elle, avait déjà tout compris.

 

Le lendemain, Ta’laam Ranth invita ses sympathisants à voter pour Cal Omas. Cal fut élu avec quatre-vingt-cinq pour cent des voix. Fyor Rodan et quelques irréductibles empêchèrent que l’élection se fasse à l’unanimité. Il resta également trois supporters très loyaux qui votèrent pour Pwœ. Cal déménagea enfin du canapé sur lequel il dormait dans le salon de Mara et Luke. Il alla s’installer dans la suite qu’on avait préparée pour le nouveau Chef de l’Etat dans l’hôtel le plus chic de Heurkea. On y posta un peloton de droïdes CYV pour assurer sa sécurité.

Il commença alors à préparer le discours d’investiture qu’il devait donner au Sénat le lendemain. Mais, avant d’en rédiger la première ligne, il signa un décret ordonnant la création d’un nouveau Conseil Jedi dont Luke Skywalker prendrait la direction.

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